Mes débuts de praticienne en psychothérapie : la trichotillomanie de Françoise

On ne naît pas praticienne en psychothérapie, on le devient. Par choix, par vocation et aussi par des rencontres. Je vais partager avec vous dans ce billet celle de Françoise. Cette femme est venue à moi pour s’aider elle-même, mais notre rencontre aura changé beaucoup de choses, pour elle et pour moi. Je dirais même qu’elle a été déterminante dans ma trajectoire professionnelle.

Elle a été une de mes premières consultantes en psychothérapie, au lancement de mon cabinet. À l’époque, je m’installais en tant que naturopathe. En venant chercher une solution pour elle, elle m’a engagée sur le terrain de ma passion, celui de la psychothérapie.

Premier rendez-vous : L’espoir de guérison magique

Françoise a pris rendez-vous avec moi, car elle souhaite se débarrasser de sa trichotillomanie. Ce trouble fait partie des troubles obsessionnels compulsifs. Il consiste à se toucher et arracher les cheveux, de manière compulsive et incontrôlée.

(Pour en savoir plus sur la trichotillomanie, vous pouvez consulter cette page.)

Lorsqu’elle se présente au premier rendez-vous, je ne peux que constater qu’elle a en effet décimé sa chevelure. Il ne lui reste qu’une fine couronne de cheveux qu’elle rassemble dans une maigre queue de cheval au sommet de sa tête. Malgré ses efforts pour tenter de dissimuler son problème, on ne peut ignorer son crâne quasiment chauve. Elle a déjà consulté beaucoup, elle erre de praticien en praticien de tous horizons depuis longtemps.

Elle m’a contactée, car je suis naturopathe, et je mets l’accent sur la micro

nutrition. À la radio, elle a entendu que certains acides aminés pourraient la sortir de la spirale infernale de la trichotillomanie. Pleine d’espoir, elle attend que je confirme.

Quitter la posture de naturopathe pour devenir praticienne en psychothérapie

Douche froide pour elle lorsque je lui explique que certes, la micronutrition pourra améliorer la vitesse de repousse de ses cheveux. Mais hélas ! aucun complément alimentaire ne l’aidera à arrêter de les arracher. Je vois son visage se décomposer, je pense qu’elle aurait trouvé plus confortable que je lui mette un coup de pelle sur la tête.

Elle se retient de pleurer, son menton tremble, et elle me demande d’une voix chevrotante ce qu’elle peut faire d’autre. Elle me demande s’il existe quelque chose qui puisse la sortir de l’ornière dans laquelle elle se trouve depuis des années.

Je lui réponds alors qu’à part une psychothérapie, je ne vois rien d’autre. Nous reprenons rendez-vous avec cette optique.

Mes débuts de praticienne en psychothérapie au milieu des chutes du Niagara

Les premières séances de thérapie

Les séances suivantes, Françoise me raconte son histoire. Troisième d’une fratrie de cinq enfants, elle est celle qui se sent transparente, comme si elle n’existait pas. Ses frères et sœurs ont des personnalités affirmées. Chacun obtient de l’attention de leur mère par la stratégie qu’il a choisie.

Sa sœur aînée aide à la maison, en secondant leur mère pour l’éducation des plus jeunes. Son frère aîné a pris l’option , « enfant turbulent », il faut le surveiller comme le lait sur le feu. Quant à la « petite dernière », elle a de droit toutes les attentions. Françoise, elle, est très discrète et malheureusement, sa sagesse ne lui rapporte pas beaucoup de regards portés sur elle.

C’est dans cette faille d’attention, de protection aussi, qu’un prédateur s’engouffre. Le prêtre du village se rapproche de sa famille, en venant déjeuner chez eux le dimanche. Il gagne ainsi la confiance des parents de Françoise, qui ne verront pas le changement chez leur petite fille. À l’âge de huit ans, elle commence à subir les attouchements de cet homme.

Elle supportera en silence ces abus jusqu’à ses treize ans…

Femme âgée triste

La thérapie passe par le réveil de ses souffrances

Se replonger dans son histoire est extrêmement douloureux pour Françoise. Elle pleure, énormément, tout le long de la séance. Combien de fois s’est-elle trouvée dans l’impossibilité d’articuler le moindre mot tellement elle sanglotait ? Je ne les comptais plus.

Dans ces moments-là, je ne cherchais pas à calmer ses pleurs, ni à détourner son attention des points de douleur, ça ne me serait même pas venu à l’idée. Il me paraissait normal, humain, de la laisser s’exprimer librement. Alors, je l’écoutais, avec toute ma compassion.

Une praticienne en psychothérapie en proie aux doutes

Plusieurs séances se sont enchaînées ainsi, à écouter Françoise, et la regarder sangloter. Je pouvais difficilement intervenir, parce que la moindre question de ma part entraînait un nouveau flot de larmes.

Au bout de 7 ou 8 séances, le doute m’envahit : est-ce que je ne suis pas en train de faire plus de dégât ? J’étais censée lui apporter du bien-être, est-ce que venir pleurer dans mon bureau pendant des heures n’est pas le signe que je l’entraîne dans les méandres de ses souffrances inutilement ?

Avec ce sentiment de faire plus de mal que de bien, je me dis alors qu’il est préférable que je mette fin à nos séances, elle a suffisamment souffert, et si je ne peux pas lui apporter de soulagement, ainsi, il vaut mieux mettre un terme rapidement.

Suis-je faite pour être praticienne en psychothérapie ?

Françoise arrive au rendez-vous suivant, je ne suis pas très à l’aise, car je me prépare à lui dire que je pense qu’il est préférable que nous arrêtions les séances. Je lui dis bonjour la mort dans l’âme, car tout se bouscule dans ma tête. Je la sais très seule, et j’ai l’impression de l’abandonner à son triste sort.

Et d’un point de vue plus égoïste, je me sens en échec, je suis déçue de moi. Je suis triste aussi parce que les accompagnements psycho étaient vraiment ce qui m’attirait. Mais je dois me rendre à l’évidence, je ne suis pas prête pour cela. Pire, je ne suis tout simplement pas faite pour ce métier.

Désormais, le plus important est de la préserver, elle.

Femme qui pleure

L'enseignement de Françoise sur les besoins du patient

Je n’ai pas le temps de commencer le petit discours que j’ai préparé et répété, que Françoise me dit « Frédérique, avant qu’on ne commence, j’ai quelque chose à vous demander ». Je m’attends à tout, sauf à ce qui va suivre.

« Je voudrais vous demander s’il est possible que, pour le prochain rendez-vous, vous me donniez votre dernier créneau de la semaine. Le plus loin possible dans la semaine, parce que comme ça, après, moi, je passe un bon week-end ».

Alors, là, j’étais sans voix. J’ai bredouillé « oui, oui, bien sûr », complètement désarçonnée. Là où je pensais ne faire que remuer un passé douloureux, en réalité, elle se sentait bien après les séances.

Et j’ai compris. En fait, ce dont Françoise avait besoin, c’était que l’on accueille son chagrin, celui qu’elle n’avait jamais exprimé en présence de qui que ce soit. Elle avait besoin que quelqu’un l’entende, comprenne sa douleur.

Je crois que je n’avais pas réalisé à quel point c’était capital. Pourtant, moi-même, j’avais ressenti ce besoin dans ma propre thérapie. D’être passée de l’autre côté du bureau m’avait fait perdre de vue cet élément essentiel.

Françoise a cessé de s’arracher les cheveux après quatre mois de séances de thérapie hebdomadaires. C’était il y a des années, mais je suis toujours en contact avec elle, et ce problème n’est jamais revenu.

Mon rôle de praticienne en psychothérapie

L’expérience que j’ai vécue avec Françoise m’a marquée, positivement. Dans notre envie d’aider la personne qui nous consulte, nous pouvons être tentés de courir à la solution. Pour cela, nous pouvons recourir à un mode analytique, structuré, ainsi que la mise en œuvre de techniques. Et nous espérons voir un résultat, un apaisement quasi instantané.

Après tout, nous sommes humains aussi.

Quand l’écoute se fait thérapeutique

Mais nous ne pouvons pas occulter le grand rôle de cette rencontre entre deux humains, l’apport précieux d’une écoute réellement empathique.

L’écoute seule ne suffit pas, mais elle est indispensable.

Devenir praticienne en psychothérapie

Dans notre formation de psychopraticien, nous apportons les éclairages théoriques, les modalités de mise en œuvre des techniques, mais nous nous servons aussi de nos propres ressentis. J’aime entendre chaque fois qu’un apprenant me dit que dans tel ou tel exercice, il a été touché par l’histoire racontée dans le cas proposé.

Lorsque j’entends une remarque compatissante et compréhensive vis-à-vis de la personne décrite dans le cas proposé, alors même que le vrai consultant n’est pas présent en réel en face de lui, je me dis que j’ai en face de moi quelqu’un qui a déjà une belle posture de psychothérapeute.

Praticienne en psychothérapie avec sa patiente

Conclusion

Le métier de psychopraticien repose sur des valeurs personnelles, sur notre part d’humanité. Aucune formation en psychothérapie ne peut apprendre cela. Elle est au fond de chaque thérapeute.

Bien sûr, il faudra aux praticiens d’autres atouts dans leur besace pour accompagner en psychothérapie de manière efficace. On ne peut nier le besoin de connaissances en psychopathologie, de techniques de thérapie, de grilles d’analyse.

Le métier de psychopraticien repose sur des valeurs personnelles, sur notre part d’humanité. Aucune formation en psychothérapie ne peut apprendre cela. Elle est au fond de chaque thérapeute.

Si vous avez, vous aussi ce sentiment d’être à votre juste place en tant que praticien en psychothérapie, je vous laisse découvrir le programme de notre formation psychopraticien en ligne.

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