L'obsession du bonheur

Nicole me consulte car ses enfants ne vont pas bien. Ses enfants sont adultes, mais ça n’empêche. S’ils ne vont pas bien, elle non plus. En ce moment, elle voit bien que sa fille n’a pas le moral, et son fils semble traverser une période chaotique dans son couple. Avec sa conjointe ils se disputent souvent, même en présence de Nicole et son mari, Jean-François, qui est également le père de ses enfants.

Quand ça se produit, Nicole est mortifiée, elle voudrait que le conflit cesse, mais elle n’ose rien dire, elle se dit qu’il ne faut pas intervenir, ce sera sûrement pire. Parfois, leurs disputes vont loin, ils s’insultent en hurlant. Nicole est très mal lorsque ça se produit, mais elle préfère se taire. Elle ne veut pas prendre le risque qu’ils se fâchent contre elle, et qu’elle perde ses enfants.

Quand elle sait que ses enfants ne vont pas bien, c’est obsessionnel pour elle. Dans ces cas-là, il ne lui reste que deux options : se jeter dans l’action, pour ne pas penser, ou bien trouver refuge dans la nourriture. Malheureusement, cette dernière option lui amène un problème supplémentaire car sa prise de poids la contrarie aussi.

Je m'en veux d'aller mal

Pourquoi ça la met dans cet état ? Est-ce parce que les problèmes que rencontrent ses enfants sont si graves ? Non, pas vraiment. Mais le moindre nuage dans leur vie la rend malade.

D’ailleurs, elle le dit : « Je sais que je n’ai pas de raison de ne pas aller bien à ce point. Globalement, les enfants vont bien. Je ne sais même pas pourquoi je suis comme ça. Et je suis en colère contre moi de ne pas aller bien sans raison. Mon mari et mes enfants sont en bonne santé, et n’ont pas de problèmes majeurs. J’ai honte de ne pas aller bien. Je ne voudrais pas être comme ma mère, je ne veux pas lui ressembler. »

Nicole m’explique que sa mère était toujours triste et pessimiste.

Couple qui se dispute

L'histoire de Nicole

Nicole a un frère et une sœur aînés. Elle est la dernière de la fratrie. Son grand frère était assez dur, et sa sœur faisait plein de choses. Et elle la décrit comme une « personne déterminée ».

Nicole se dépeint plutôt comme une enfant très émotive. Un simple regard et elle se mettait à pleurer. Elle n’a jamais voulu faire d’activités, ce qu’elle regrette aujourd’hui.

Sa sœur faisait de la musique, et participait à des concours. Leurs parents étaient fiers d’elle.

Nicole, elle, préférait rester à la maison. Elle faisait du ménage. C’était peut-être un moyen pour partager quelque chose avec sa mère. Sa mère n’était pas affectueuse. Elle s’occupait de la maison, du linge, de la cuisine, de l’intendance en général. Son objectif était que personne ne manque de rien. Mais elle parlait peu et n’avait pas de gestes affectueux. Alors pour Nicole, faire du ménage permettait de passer du temps avec elle.

Nicole ajoute « j’étais la petite fille qui ne faisait pas de vagues. Peut-être que si j’avais fait des choses, ils auraient peut-être reconnu que j’étais capable de faire des choses ».

Nicole n’en dit pas plus sur « ces choses » qu’elle aurait pu faire. D’ailleurs, elle semble ne pas en avoir la moindre idée.

Petite fille qui fait le ménage

Qui êtes-vous, Nicole ?

Nicole est dans l’impossibilité de se définir, d’avoir une idée de qui elle est. Lorsque je lui demande ce qu’elle dirait d’elle si elle devait faire son autoportrait, je perçois sa gêne, et même son regard perdu. Elle me répond que c’est très compliqué de répondre à cette question. Sa réponse n’est pas très suprenante.

Après un moment de silence, Nicole reprend. Finalement, le rôle qu’elle se donne le plus, c’est celui d’être une bonne mère. Elle valorise beaucoup ses enfants, parce qu’elle sait que c’est important. C’est d’autant plus important pour elle qui n’a reçu ni compliments ni encouragements. Son leitmotiv est de tout faire pour que ses enfants aillent bien.

Elle ajoute tristement que lorsque les enfants ont quitté la maison pour vivre leur vie d’adulte, elle a vécu ce syndrome du nid vide : « Je n’ai plus de rôle, il me reste quoi ? ».

La recherche d'approbation

Nicole commence à comprendre qu’elle n’a pas réellement de vision de sa propre identité, de sa personnalité. Elle se définit principalement en tant que mère.

Et si elle veut avoir une bonne image d’elle-même en tant que mère, il faut que ses enfants aillent bien. L’équation est simple. S’ils ont des problèmes, ça signifie qu’elle a échoué quelque part dans leur éducation, dans ce qu’elle leur a transmis pour affronter la vie. Chaque contrariété ou difficulté d’un de ses enfants est son échec personnel.

Elle a toujours compensé le vide de connaissance de soi par une recherche constante d’approbation. Elle a besoin d’avoir du soutien et de la valorisation, notamment de la part de son mari.

Manque de chance (mais s’agit-il d’une question de chance ?!), son mari a un profil de personnalité qui n’est pas très aidant sur ce point. Sa caractéristique majeure est d’être à l’opposé des personnes qui complimentent ! Au contraire, il est très critique, et peut se montrer extrêmement blessant. Et toujours, Nicole n’accorde de crédit qu’à ce qu’il dit, pas à ce qu’elle ressent comme juste. S’il le dit, c’est que c’est vrai. S’il critique, c’est qu’elle n’a pas fait assez bien.

Elle a pris l’habitude de s’adapter : s’il ne formule pas de critique, c’est que ce qu’elle a fait doit être correct… ou à peu près.

Visage de femme en puzzle

Et ses émotions dans tout ça ? 

Je demande à Nicole s’il arrive qu’elle soit en colère suite aux réflexions blessantes de son mari. Ou bien quand son fils et sa belle-fille créent un malaise magistral avec leurs conflits au beau milieu d’une réunion de famille. Là, elle me regarde avec des yeux tout ronds. Sûrement pas ! Elle a horreur des conflits ! Et puis de toutes façons, ça ne sert à rien avec son mari, il dira que c’est elle qui a tort. Il retombe toujours sur ses pattes. A chaque fois qu’elle a essayé, ça s’est terminé de la même manière. Elle a fini par accepter de reconnaître que c’est lui qui avait raison, et que c’est elle qui a exagéré.

Et avec les enfants, elle ne veut pas risquer de se fâcher avec eux. Une mère fâchée avec ses enfants, ce doit être le pire qui puisse arriver dans la vie. 

J’ai l’impression que Nicole ne sait même pas réellement ce qu’elle ressent. Elle semble assez absente sur le plan émotionnel. 

Pour le vérifier dans quelle mesure Nicole a réellement accès à son tableau de bord émotionnel, je lui propose un exercice qui s’avèrera très révélateur.  Nous découvrons que deux émotions ne sont pas accessibles. Nicole ne reconnaît ni la colère en elle, ni la tristesse. Nous allons donc avoir un travail à mener pour se reconnecter. C’est ainsi qu’elle pourra poser des actions ou des limites selon ce qui est juste pour elle.

Avant cela, nous aurons bien évidemment à faire tomber les remparts qui la préservent de ces émotions, car à l’heure actuelle, nul doute qu’elle ait une peur bleue de s’y confronter. Plusieurs raisons peuvent nous conduire à nous déconnecter de nous-même : 

  • peur du conflit
  • peur du rejet
  • peur d’abandon
  • angoisse de se connecter à des émotions enfouies depuis  longtemps 
  • parfois, c’est la peur de sa propre colère, la crainte de devenir hors contrôle

Exploration en psychothérapie et objectif thérapeutique

Des éléments donnés par Nicole, plusieurs constatations s’imposent.

De toute évidence, Nicole combine des carences en connaissance de soi, en estime de soi et affirmation de soi. Vaste programme !

Nicole focalise sur le bien-être de ses enfants, car son rôle de mère est le seul domaine de sa vie où elle espère trouver sa propre valeur. Evidemment, sa manière d’évaluer sa réussite dans ce rôle maternel est pour le moins biaisée. Ses enfants doivent aller bien et ne rencontrer aucun problème pour que l’on puisse considérer qu’elle a été une bonne mère.

Etant donné qu’elle ne sait pas qui elle est en dehors de ce rôle maternel, nous allons avoir à reconstruire cette vision d’elle-même. Pour cela, nous nous appuierons sur des techniques de séances qui permettent justement de prendre conscience de soi.

Nous rendrons très probablement visite à la petite Nicole, cette enfant tellement sage et timide qu’on l’a un peu oubliée, pour lui redonner le sentiment de sa propre importance.

Cible

De l'importance de définir la problématique

L’histoire de Nicole nous montre à quel point il est important de ne pas se contenter de ce qu’exprime le patient comme motif de consultation. « Je m’inquiète quand mes enfants ne vont pas bien » n’était que la face émergée de l’iceberg, bien d’autres choses se jouaient à l’intérieur d’elle.

En s’en tenant à cela, nous aurions pu tenter de relativiser les problèmes de ses enfants. Ou bien aurions-nous cherché un dérivatif de ces angoisses. Une autre option était d’utiliser une technique comme l’EFT pour abaisser la charge émotionnelle. 

Mais nous serions passées à côté du vrai problème. Et nous n’aurions obtenu aucun résultat probant. 

Je trouve toujours intéressant de comparer le motif initialement exprimé avec la reformulation à laquelle nous pouvons aboutir en séance.

Le réel problème de Nicole n’est pas tant de s’inquiéter pour le bien-être de ses enfants, mais de ne pas savoir qui elle est. Qelle est sa valeur en tant que personne, ce qui la conduit à s’en remettre toujours à des avis extérieurs, même lorsqu’ils sont injustes et blessants ?  C’est aussi d’avoir des difficultés à ressentir ses émotions et à faire valoir ce qui est juste pour elle.

Cette nécessité de préciser, d’apporter une autre vision de la problématique de fond, est très fréquente dans notre métier. Nous avons cette mission de définir précisément à quel endroit se joue la problématique. Tout cela s’apprend et un accent particulier est porté sur l’acquisition de cette compétence dans notre formation psychopraticien.

Dès le tout début de notre formation, nous envisageons cette (re)définition de problématique. En abordant des cas pratiques qui nous permettent d’utiliser les présupposés de la PNL nous allons définir avec précision et pertinence les causes profondes de la problématique évoquée par le consultant. C’est ce qui nous donnera une vision concrète des objectifs à atteindre.