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Gérer ses émotions en tant que thérapeute

Ce que vous allez découvrir

Petit mot d’introduction

Gérer nos émotions en tant que thérapeute ne signifie pas les supprimer ou les cacher à tout prix. C’est apprendre à danser avec elles, à les reconnaître comme des messagères précieuses tout en maintenant l’espace thérapeutique sécurisant dont nos patients ont besoin.

Dans cet article, je partage avec vous ce que j’ai appris – parfois douloureusement – sur cet art délicat d’habiter pleinement nos émotions tout en restant au service du processus thérapeutique.

Le mythe du thérapeute détaché est révolu

Vos émotions sont vos alliées, pas vos ennemies

Pendant longtemps, le modèle dominant du « bon thérapeute » était celui d’un professionnel capable de maintenir une distance émotionnelle parfaite. Ce mythe a fait beaucoup de dégâts, nous faisant douter de notre légitimité quand nous ressentions des émotions fortes pendant les séances.

La vérité ? Nos émotions sont de précieux instruments de perception. Elles nous permettent de ressentir ce qui se joue dans la relation, de détecter les non-dits, et parfois même d’accéder à ce que le patient lui-même ne perçoit pas encore.

Les trois types d'émotions en séance

Les émotions-signal

Celles qui nous alertent sur un processus important (ex: une colère soudaine qui signale un enjeu de pouvoir non verbalisé).

Les émotions-miroir

Celles qui reflètent par résonance l’état émotionnel du patient (on parle parfois de « contre-transfert concordant »).

Les émotions-personnelles

Celles qui appartiennent à notre propre histoire et sont activées par le récit du patient.

Ce que j’ai observé : Les thérapeutes qui acceptent leurs émotions comme des informations utiles plutôt que comme des interférences développent une sensibilité clinique remarquable. À l’inverse, ceux qui les rejettent systématiquement finissent souvent par s’en déconnecter, perdant un précieux outil de perception.

Pour approfondir la compréhension de votre rôle, je vous invite à lire mon article sur Les fondamentaux de l’accompagnement thérapeutique qui explore les bases d’une relation thérapeutique authentique.

Apprendre à reconnaître vos émotions en séance

Nos réactions émotionnelles parlent d'abord au thérapeute en nous

La première étape pour gérer vos émotions est d’apprendre à les reconnaître alors qu’elles émergent, sans les juger immédiatement.

Signes physiques
  • Changements dans votre respiration
  • Tensions musculaires (mâchoires, épaules, ventre)
  • Modifications de votre posture
  • Sensations de chaleur ou de froid
  • Distractions ou pensées intrusives
  • Jugements soudains envers le patient
  • Impulsion de donner des conseils ou de « sauver »
  • Envie d’écourter la séance

Ma petite astuce : Développez une double conscience pendant les séances – une partie de vous pleinement engagée dans l’écoute, et une autre qui observe doucement vos propres réactions. J’imagine parfois un « témoin bienveillant » assis sur mon épaule, qui note mes réactions sans les juger.

L’impact de vos émotions sur votre pratique est exploré plus en profondeur dans mon article Le développement personnel du thérapeute, que je vous recommande particulièrement si vous êtes en début de parcours.

Transformer vos émotions en informations précieuses

Ce que vos réactions émotionnelles peuvent vous enseigner

Nos réactions émotionnelles peuvent nous renseigner sur :

1. Le patient et son monde relationnel

Un ennui persistant peut signaler un évitement émotionnel chez le patient

Une irritation soudaine peut refléter des schémas relationnels problématiques

Une envie de prendre en charge peut indiquer une dynamique de victime/sauveur

2. Votre propre parcours

Les thèmes qui vous touchent particulièrement

Vos propres blessures non résolues

Vos schémas relationnels activés dans la relation thérapeutique

3. La dynamique thérapeutique:

Les impasses et résistances dans le processus

Les non-dits importants

Les projections et transferts à l’œuvre

Exemple concret

Je me suis retrouvée inexplicablement agacée par une patiente pourtant agréable et motivée. En explorant cette réaction en supervision, j’ai réalisé qu’elle me rappelait une partie de moi-même que j’avais longtemps réprimée – ma perfectionniste intérieure. Cette prise de conscience m’a permis d’utiliser cette résonance pour mieux comprendre ses enjeux profonds autour de la performance et de l’image de soi.

Si vous doutez de votre légitimité, je vous invite à lire mon article La légitimité professionnelle du psychopraticien qui aborde frontalement cette question que nous nous posons tous.

L’équilibre délicat entre présence et protection

Techniques pour maintenir votre espace émotionnel en séance

Il existe un équilibre subtil entre être pleinement présent aux émotions et maintenir l’espace thérapeutique.

Techniques d'ancrage instantané

Quand l'émotion est trop forte

Faire face aux émotions délicates

Les émotions difficiles du thérapeute méritent d'être accueillies

Certaines émotions sont particulièrement difficiles à accueillir en tant que thérapeute.

L'ennui

  • Ce qu’il peut signifier : défense contre l’intimité, évitement du patient, reproduction d’un schéma relationnel
  • Comment l’utiliser : explorer l’hypothèse que d’autres personnes dans la vie du patient pourraient ressentir la même chose

L'attraction

  • Ce qu’elle peut signifier : transfert/contre-transfert, quête de validation, dynamique non résolue
  • Comment la gérer : reconnaissance strictement intérieure, supervision, vigilance aux limites

La colère

  • Ce qu’elle peut signifier : transgression de limites, manipulation, réactivation de blessures personnelles
  • Comment la transformer : la voir comme un signal, clarifier les limites, explorer son origine

L'impuissance

  • Ce qu’elle peut signifier : reproduire une dynamique familière pour le patient, enjeux de contrôle
  • Comment la traverser : accepter les limites de notre rôle, revenir à la responsabilité du patient

Quand la transparence thérapeutique est utile (ou non)

Partager ou non ses émotions avec le patient

La question se pose souvent : faut-il partager nos émotions avec nos patients ?

Partager peut être utile quand... Mieux vaut contenir quand...
L'émotion reflète directement quelque chose d'important pour le patient L'émotion vient principalement de votre histoire personnelle
Le partage renforce l'alliance thérapeutique Le partage pourrait déplacer le focus sur vous
Le patient a besoin de validation émotionnelle Le patient pourrait se sentir responsable de votre bien-être
Votre authenticité modélise l'expression émotionnelle saine Votre émotion est trop intense pour être intégrée en séance

Questions à se poser avant de partager

Est-ce au service du patient ou de mon besoin d’expression ?

Mon partage renforcera-t-il sa capacité à explorer ses propres émotions ?

Suis-je capable de partager cette émotion sans qu’elle ne prenne toute la place durant la séance ?

Pour finir sur une note positive

Un dernier mot d'encouragement

En conclusion, vos émotions ne sont pas des obstacles à votre efficacité thérapeutique – elles en sont l’un des ingrédients essentiels.

Le patient ne cherche pas un thérapeute parfaitement détaché, mais un être humain authentique capable de l’accompagner dans ses zones de vulnérabilité tout en maintenant un cadre sécurisant. Votre capacité à naviguer vos propres émotions avec conscience et maturité est précisément ce qui rend possible cet accompagnement.

Pour approfondir votre compréhension de la relation thérapeutique, je vous invite à lire Guide des premières séances avec un patient qui complète parfaitement les réflexions partagées ici.