Blog > Développement personnel
Petit mot d’introduction
Gérer nos émotions en tant que thérapeute ne signifie pas les supprimer ou les cacher à tout prix. C’est apprendre à danser avec elles, à les reconnaître comme des messagères précieuses tout en maintenant l’espace thérapeutique sécurisant dont nos patients ont besoin.
Dans cet article, je partage avec vous ce que j’ai appris – parfois douloureusement – sur cet art délicat d’habiter pleinement nos émotions tout en restant au service du processus thérapeutique.
Le mythe du thérapeute détaché est révolu
Pendant longtemps, le modèle dominant du « bon thérapeute » était celui d’un professionnel capable de maintenir une distance émotionnelle parfaite. Ce mythe a fait beaucoup de dégâts, nous faisant douter de notre légitimité quand nous ressentions des émotions fortes pendant les séances.
La vérité ? Nos émotions sont de précieux instruments de perception. Elles nous permettent de ressentir ce qui se joue dans la relation, de détecter les non-dits, et parfois même d’accéder à ce que le patient lui-même ne perçoit pas encore.
Celles qui nous alertent sur un processus important (ex: une colère soudaine qui signale un enjeu de pouvoir non verbalisé).
Celles qui reflètent par résonance l’état émotionnel du patient (on parle parfois de « contre-transfert concordant »).
Celles qui appartiennent à notre propre histoire et sont activées par le récit du patient.
Ce que j’ai observé : Les thérapeutes qui acceptent leurs émotions comme des informations utiles plutôt que comme des interférences développent une sensibilité clinique remarquable. À l’inverse, ceux qui les rejettent systématiquement finissent souvent par s’en déconnecter, perdant un précieux outil de perception.
Pour approfondir la compréhension de votre rôle, je vous invite à lire mon article sur Les fondamentaux de l’accompagnement thérapeutique qui explore les bases d’une relation thérapeutique authentique.
Apprendre à reconnaître vos émotions en séance
La première étape pour gérer vos émotions est d’apprendre à les reconnaître alors qu’elles émergent, sans les juger immédiatement.
Ma petite astuce : Développez une double conscience pendant les séances – une partie de vous pleinement engagée dans l’écoute, et une autre qui observe doucement vos propres réactions. J’imagine parfois un « témoin bienveillant » assis sur mon épaule, qui note mes réactions sans les juger.
L’impact de vos émotions sur votre pratique est exploré plus en profondeur dans mon article Le développement personnel du thérapeute, que je vous recommande particulièrement si vous êtes en début de parcours.
Transformer vos émotions en informations précieuses
Nos réactions émotionnelles peuvent nous renseigner sur :
Un ennui persistant peut signaler un évitement émotionnel chez le patient
Une irritation soudaine peut refléter des schémas relationnels problématiques
Une envie de prendre en charge peut indiquer une dynamique de victime/sauveur
Les thèmes qui vous touchent particulièrement
Vos propres blessures non résolues
Vos schémas relationnels activés dans la relation thérapeutique
Les impasses et résistances dans le processus
Les non-dits importants
Les projections et transferts à l’œuvre
Je me suis retrouvée inexplicablement agacée par une patiente pourtant agréable et motivée. En explorant cette réaction en supervision, j’ai réalisé qu’elle me rappelait une partie de moi-même que j’avais longtemps réprimée – ma perfectionniste intérieure. Cette prise de conscience m’a permis d’utiliser cette résonance pour mieux comprendre ses enjeux profonds autour de la performance et de l’image de soi.
Si vous doutez de votre légitimité, je vous invite à lire mon article La légitimité professionnelle du psychopraticien qui aborde frontalement cette question que nous nous posons tous.
L’équilibre délicat entre présence et protection
Il existe un équilibre subtil entre être pleinement présent aux émotions et maintenir l’espace thérapeutique.
Faire face aux émotions délicates
Certaines émotions sont particulièrement difficiles à accueillir en tant que thérapeute.
Quand la transparence thérapeutique est utile (ou non)
La question se pose souvent : faut-il partager nos émotions avec nos patients ?
Partager peut être utile quand... | Mieux vaut contenir quand... |
---|---|
L'émotion reflète directement quelque chose d'important pour le patient | L'émotion vient principalement de votre histoire personnelle |
Le partage renforce l'alliance thérapeutique | Le partage pourrait déplacer le focus sur vous |
Le patient a besoin de validation émotionnelle | Le patient pourrait se sentir responsable de votre bien-être |
Votre authenticité modélise l'expression émotionnelle saine | Votre émotion est trop intense pour être intégrée en séance |
Est-ce au service du patient ou de mon besoin d’expression ?
Mon partage renforcera-t-il sa capacité à explorer ses propres émotions ?
Suis-je capable de partager cette émotion sans qu’elle ne prenne toute la place durant la séance ?
Pour finir sur une note positive
En conclusion, vos émotions ne sont pas des obstacles à votre efficacité thérapeutique – elles en sont l’un des ingrédients essentiels.
Le patient ne cherche pas un thérapeute parfaitement détaché, mais un être humain authentique capable de l’accompagner dans ses zones de vulnérabilité tout en maintenant un cadre sécurisant. Votre capacité à naviguer vos propres émotions avec conscience et maturité est précisément ce qui rend possible cet accompagnement.
Pour approfondir votre compréhension de la relation thérapeutique, je vous invite à lire Guide des premières séances avec un patient qui complète parfaitement les réflexions partagées ici.